jeudi 18 avril 2013

Traduction immédiate de la parole en gestes, Sandra Ancelot

Dessin mural aérien

«Si le corps est le lieu où se refait une poétique vivante et «vibratile», c’est dans la mesure où il permet au langage lui-même de se défaire, aussi bien dans sa dimension référentielle (en tant que représentation du monde), que dans sa dimension autoréférentielle (scène arbitraire du signifiant et du signifié). Leur « étourderie » résiderait précisément dans la revendication d’un langage autre.»

Marcelo Jacques de Moraes. 




Cette proposition de la conférence illustrée nait du désir d’intensifier le ressenti et les processus subtils d’entendement qui s’opèrent lors  de l’écoute de la parole ou du regard posé sur l’œuvre.
Le terme de conférence illustrée est ambigu, car il se situe aux frontières de plusieurs formes d’expression. Ce pourrait être une conférence, mais cela ne l’est pas. Ce pourrait être une performance, mais cela ne l’est pas. Ce pourrait être un spectacle mais cela ne l’est pas.
Il me reste à dire que c’est une expérience.

Le choix de la forme relève d’une intuition, celle d’éprouver le langage avec la mise en scène d’un dessin qui se construit et se déconstruit au rythme de la voix.
Le dessin mural aérien n’est pas une illustration littérale de la parole. Même si, initialement, le projet partait de la  volonté d’apporter en parallèle à la parole une autre forme sensible, le geste dessiné est traité comme une forme poétique « explorante et voyante »*

Je souhaite que ce dispositif soit un révélateur, créateur vivace de matière réflexive et réactive au présent de la conférence illustrée.
C’est pleinement s’ouvrir à l’expérience de ce présent.
La proposition plastique est hybride, c’est à la fois un dessin mural réalisé au fusain et à la poudre de fusain et une chorégraphie, un geste dessiné. Le dessin s’effectue à 1m50 du sol , jusqu’à 4m 60, hauteur des points d’accroche estimés des cordes.
Les dessinateurs sont suspendus.
Nos mouvements font apparaître les lignes, les valeurs, les figures.
Nous sommes des corps crayons.
Le choix de travailler suspendu renvoie à un de mes thèmes de recherche, « l’extraction ». S’extraire c’est mettre en mouvement une pulsion de vie, geste premier de création. C’est aussi un « sauve qui peut », une poussée en avant instinctive, intuitive, du senti qui préserve et qui projette. Ce peut être une ligne de fuite.*

Il me semblait  naturel, pour répondre à la fluidité de la parole, d’extraire les corps de leur pesanteur. Jouer de cet artifice, c’est rendre  la fluidité du langage au corps « vibratile », rapide, presque volatile. A mesure que la parole fait naitre une succession de mots, le mouvement génère une succession d’inscriptions graphiques.

Nous sommes trois,  figures indicibles de L’étranger, de l’exilé, du refugié.
Je développe un lexique chorégraphique issu de l’étude du texte de la conférence et de la complicité de son auteur, Monsieur Jean-Francois Mattéï.
Cet autre langage est travaillé lors de répétitions avec mes collaborateurs circassiens. Il est décuplé, affiné par leur savoir et par la maîtrise de l’espace.
Intégrer un corps de pensée étranger comme matière première à mon travail, c’est un cadeau fertile à incarner. La nature étrangère de la source de travail et la collaboration avec les circassiens déplacent les processus créatifs, ainsi que la collaboration avec les circassiens.
La construction de ce dispositif comme un « perceptacle », une sorte de bricolage, où la perception serait amplifiée, fait-il sens ?
Je ne saurais aujourd’hui répondre.
Nous laisserons le soin à Carole Talon-Hugon de faire le retour sur cette expérience avec le public.


Sandra Ancelot, avril 2013.





Marcelo Jacques de Moraes, philosophe, extrait du texte de présentation de la conférence
« Une pensée du corps et de la faim » Collège internationale de philosophie, Paris 31 Mai 2010.
http://www.franceculture.fr

Lettres dites « du voyant »
Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant ! - Car il arrive à l’inconnu ! Puisqu’il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu’il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innommables: viendront d’autres horribles travailleurs; ils commenceront par les horizons où l’autre s’est affaissé ! »

Gilles Deleuze Anti oeudipe 1980.
Fuite comme recherche de l’arme, pour connaître l’homme connaître ses lignes de fuites je cherche une arme c’est à dire je crée quelque chose.
http://youtu.be/wtueJMw7s-c

Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage.
Essai, Editeur Pocket, Collection, Pocket Agora, numéro 2
Référence à la notion de bricolage.





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